Bonne St-Quoi?

by CHRISTINA

En étant loin de mon monde habituel, j’oublie un peu ce qui se passe en dehors des montagnes entourant mon village présent. C’est seulement quand j’ai su que j’avais un congé cette semaine que je me suis rappelée que, au Sud, c’était déjà le temps de notre fête nationale. J’imagine que vous comprenez aussi que j’ai de la misère à me rappeler qu’on est en plein juin, avec les températures variantes entre -2 et 8, et la neige qui ne semble pas vouloir quitter le sol. Quand j’ai demandé à un de mes collègues Inuk si ici on fêtait la St-Jean Baptiste, il m’a regardé avec un gros point d’interrogation estompé sur son visage. Sa réponse fut automatique : « Why would we celebrate that? We are not in Quebec here, we’re in Nunavik. » Oupsy. La conversation s’est ensuite enchainée sur le sujet des inégalités du Nord versus le Sud. Alors, au lieu de vous parler de quelque chose qui ne me touche pas particulièrement en ce moment, je vais m’indigner un peu sur une situation (parmi d’autres++) qui me fâche.

Pour ceux qui ont regardé un peu mes photos, vous avez probablement remarqué à quel point un village du Nunavik est différent, sur plusieurs plans, du Sud. Je réalise de plus en plus à quel point la population québécoise est inconsciente de la situation au Nunavik ainsi que des fortes inégalités existantes entre les deux extrémités de notre province. Ma frustration part de l’hospitalisation à Montréal d’un homme de mon village. Après plusieurs mois à Montréal, il peut enfin revenir chez lui à Salluit. Par contre, ce n’est pas si simple que ça (avec le temps, je réalise que c’est rarement simple ici). Cours 101 sur les logements dans le Nunavik : tous les logements sont subventionnés par l’État, ils sont souvent surpeuplés et il y a des listes d’attente pour l’obtention d’un logement et ça peut prendre plusieurs années! Donc, l’homme n’a pas de logement à lui ici, aucun membre de sa famille ne veut l’accueillir à cause de sa santé précaire, alors quoi faire? Il doit bien exister une ressource quelque part au Nord qui s’occupe des aînés, voyons! Et non, ce n’est pas quelque chose qui existe ici. Étrange, quand on voit à quel point les aînés sont valorisés ici (mais bon, les services actuels restent des services non adaptés pour la population desservie).

Le Nunavik s’étend sur un tiers de la province et comporte une population d’environ 12 000 habitants. Comment ça se fait qu’aucune ressource n’existe ici au travers des 14 villages du Grand Nord pour la population vieillissante? Bon okay, j’exagère. Il existe un centre de répit pour personnes semi-autonomes à Puvirnituq, un village de la baie d’Hudson. Un seul, pour toute la baie d’Hudson, et en plus avec de la place très limitée.

Heureusement qu’une soeur de cet homme a décidé de l’héberger chez elle et d’accommoder son appartement pour répondre aux besoins de son frère, sinon, je n’ai aucune idée de ce qui serait arrivé. Peut-être qu’avec de la chance, il y aurait eu une place de libre au centre de répit à Puvirnituq et qu’il y serait allé pour un temps indéterminé. Ça reste effectivement un village du Nunavik imprégné de la même culture, de la même langue, mais come on! C’est comme si on envoyait ton grand-père dans 3 villes voisines à la tienne, et qu’en plus, tu dois prendre l’avion pour y aller ($$). Ça n’a juste pas de sens! C’est aberrant de voir à quel point une population est délaissée à se démerder parce qu’il y a un manque flagrant de ressources qui devraient être instaurées par les instances gouvernementales. Je ne parle pas juste pour les personnes âgées, mais les individus ayant des problèmes de consommation, de violence, de santé mentale, et ainsi de suite. On est loin du chaos des grandes métropoles et on est souvent oublié, mais on a notre propre chaos qui ne cesse d’augmenter sans ces ressources. Je suis quand même réaliste et consciente que l’instauration de celles-ci ne permettra probablement pas de mettre fin aux problèmes sociaux présents, mais saura apaiser au moins temporairement quelques douleurs existantes dans le Nord.

Je me répète, mais on vit vraiment dans deux mondes complètement différents, et honnêtement, on se sent presque abandonnés par le reste de la province. Je comprends maintenant pourquoi mon collègue n’associe pas son territoire au Québec.